jeudi 13 septembre 2018

13 Septembre 2016



Lendemain de l'Aid lkbir (comme on l'appelle au Maroc), réveil difficile, l'estomac noué comme jamais, une sensation que je n'avais jamais ressentie auparavant, quoi de plus normal me dit la petite voix dans ma tête, c'est le grand départ ... Un allé simple.



Moi qui voulais toujours quitter ce pays dans lequel je me sentais mal dans ma peau, et qui répétais fièrement à mes proches qu'il valait mieux vivre étranger à l'étranger que de vivre étranger dans ce qui est censé être mon pays, je ne m'attendais pas à planer autant quand l'heure fatidique approcherait, seul dans ma bulle regardant tout défiler devant moi au ralenti, entendant à peine les mots de ma mère, la dévisageant comme pour retenir chaque ride sur son visage pale mais réconfortant. je m'attendais à ce qu'elle soit bouleversée, pourtant c'est moi qui l'étais et qui essayais de ne rien laisser paraître, quant à mon père qui est bavard d'habitude, je l'avais à peine entendu ce jour là, et quand j'essayer de lui parler ses yeux évitaient de croiser les miens.

Aucun regret, mais un gout d'amertume, comme un médicament amer mais nécessaire pour guérir le mal duquel on souffre, et le départ était primordial, plus d'une année de déchirement, ma femme et moi vivant chacun de son côté, cela avait assez duré.

Cependant, mes valises étaient étrangement lourdes ce jour là, j'avais un peu froid alors que le thermomètre affichait pas moins de 25 degrés, je ne savais plus faire mes lacets comme quand j'avais 3 ans, et la silhouette de ma petite sœur était tellement agréable à serrer surtout qu'elle avait choisi de ne pas m'accompagner à l’aéroport et qu'elle m'a serrer dans ses bras comme elle ne l'avait jamais fait avant. Mon cousin est là pour me conduire et devant ma fébrilité il prend la valise qui me donnait du mal croyant que c'était son poids qui me faisait trébucher, en fait je ne savais plus marcher, la grande gueule que j'étais s'est heurté à un des moments les plus marquants, et les plus extrêmes, aucun mots durant les 35 minutes du trajet.

Aéroport international Mohammed V Casablanca, les nouvelles mesures de sécurité interdisaient aux personnes qui ne voyagent pas d’accéder à l'aéroport, il est temps de se séparer; je récupère mes affaires et serre mon cousin dans mes bras, ses larmes cèdent à la gravité, les miennes défiaient encore les lois de la physique faisant mon dur à cuir, mais quand  mon père craque dans mes bras, ce ne sont plus des larmes qui coulent mais des sanglots qui font se retourner les passants, quant à ma mère qui est trop fière pour pleurer, je pense que ce jour là elle avait oublié cette fierté à la maison car excepté le jour du décès de sa mère, je ne l'ai jamais vu pleurer autant. Un moment trop triste mais très absurde à la fois, ce ne sont pas des adieux, et cela faisait longtemps que j'avais quitté le nid familial, je voulais comprendre en quoi ce moment était différent, je ne l'ai jamais su. Il faut dire que pleurer et raisonner en même temps c'est compliqué comme exercice. "Je vous aime, je suis désolé, mais il est l'heure de partir, prenez soin de vous" et je file sans me retourner, enfin si, une fois et c'était tellement dur que je ne l'ai pas refais.


Tout est fluide, ça va vite, trop vite même, puisque ça me laisse beaucoup de temps devant moi, une attente qui fait rejaillir plein de souvenirs et de sentiments, ça fait cliché, c'est ce que je croyais aussi quand je voyais des scènes pareilles dans des films, mais apparemment c'est vrai. Ma barbe bien imbibée, un sacré bordel dans ma tête où j'entendais  Enrico Macias chanter "J'ai quitté mon pays, J'ai quitté ma maison, Ma vie, ma triste vie, Se traîne sans raison, J'ai quitté mon soleil, J'ai quitté ma mer bleue"  entremêlée avec la chanson de Tom Rosenthal - Go Solo: "I'm happy, nothing is going to stop me, I'm making my way home, I'm making my way..." , je vous laisse imaginer ...!
J'avais quitté ma maison, mes parents, mes amis, mon bord de mer, mon chien, quant'au pays c'était le moindre des maux, mais je m'apprêtais à enfin rejoindre ma femme, qui était partie un an avant moi, cela suffisait à me consoler car un an c'est long, et rester le cul entre deux chaises ça donne des crampe au fesses et au cœur.



L'avion commence à bouger, mon cœur se serre encore une fois, je n'essaie même plus de stopper mes larmes ... punaise!! j'ai pas changé mon répertoire musical sur le téléphone, le voyage sera long avec du blues et du rock, trois longues heures de souvenirs mais aussi de questionnement, comment sera ma vie? l'herbe est elle plus verte là où je vais? j'adorais l'inconnu avant, mais j'avoue que ce jour là il m'a fait peur, mon amour pour les sensations fortes s'est frotté à une botte d'épines, mais ça ira, je vais enfin la voir, la serrer dans mes bras sans compter le nombre de jours qu'il me reste à passer avec elle.

La France n'était pas la destination de mes rêves, mais l'ayant visité plusieurs fois avant de m'y installer, je mentirais si je disais que ce n'est pas un beau pays, et ce n'est pas un hasard que Paris soit le première destination touristique au monde, car dire qu'elle est "Belle" n'est pas suffisant pour décrire la ville. Oui elle a ses petits inconvénients mais entre Paris est Casablanca le choix est vite fait; les casaouis comprendront (oui chez moi on dit casaoui -a- s et non pas Casablancais) mais ça j'en parlerais dans un autre article sûrement.

j’aperçois la tour Eiffel de loin, et je comprends que c'est bon, c'est bientôt le début du nouveau chapitre, la tristesse s'estompe petit et à petit et laisse place à l'excitation.

Le portique s'ouvre, elle est là, rayonnante, toute belle et souriante, triste?! Moi?! comment l'être encore face à elle, je l'aime tellement que j'oublie tout le temps d'un câlin.

Ce jour là, j'ai vécu la plus grande confusion de ma vie, les sentiments les plus extrêmes se relayaient, et la tristesse du départ céda place à la joie des retrouvailles, il faut avouer que c'est une de ces journées qu'on n'oublie jamais dans une vie.

Paris, tu comptes un habitant de plus, le Marocain est là ...!   


"Paris Night" by Benh LIEU SONG